Les genres décrits n° 3

« Peut-on montrer des tirets aux enfants ? »

Don’t Dash the Kids, Just Use Dashes

Julie Abbou, Cécile Ropiteaux, Karine Dorvaux et Hortense Colère

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Julie Abbou, Cécile Ropiteaux, Karine Dorvaux et Hortense Colère, « Les genres décrits n° 3 », GLAD! [En ligne], 05 | 2018, mis en ligne le 15 décembre 2018, consulté le 13 juillet 2020. URL : https://www.revue-glad.org/1426

Pour ce numéro, la chronique « Les genres décrits » va à l’école. Comment des enseignantes féministes en viennent-elles à investir le terrain du langage et du métalangage et comment enseignent-elles la langue lorsqu’elles ne veulent pas perpétuer une grammaire sexiste ?

In this issue, our Chronicle « Describing Gender » goes back to school. How do feminist teachers invest language (and metalanguage) and how do they teach language to prevent the spreading of a sexist grammar ?

Introduction

par Julie Abbou

Pour ce numéro, la chronique « Les genres décrits » va à l’école. Comment des enseignantes féministes en viennent-elles à investir le terrain du langage et du métalangage et comment enseignent-elles la langue lorsqu’elles ne veulent pas perpétuer une grammaire sexiste ? Quelles stratégies mettent-elles en place pour décrire le genre à leurs élèves, surtout aux plus jeunes, dans les classes de l’enseignement primaire ? Quelles sont les réactions des enfants, des parents, des collègues, des syndicats, de la hiérarchie ? Naviguant entre grammaire, littérature et rapport aux collègues, trois enseignantes livrent ici leurs pratiques et leurs réflexions et font part des réticences qu’elles rencontrent dans cette institution de transmission des règles du genre qu’est l’école.

Elles donnent un aperçu de l’immense chantier de l’enseignement d’une langue non-sexiste. Sans outil didactique, sans manuel ou tout autre support, dans un contexte politique très hostile, elles soulèvent des questions auxquelles les élèves se montrent très sensibles, ébauchent des stratégies pédagogiques et linguistiques qui s’avèrent marcher, proposent des supports Do It Yourself ou sélectionnent soigneusement les ouvrages. Pour réfléchir à la mise en place et à la diffusion de ces pratiques langagières, à court comme à long terme elles discutent et s’organisent, à travers syndicats, collectifs ou entre collègues. On y voit aussi que, contrairement à l’argument souvent répété que l’écriture inclusive serait imprononçable, c’est à l’oral que se joue pour beaucoup la transmission de règles alternatives. Dans ces trois textes, on voit enfin, que toutes sont témoins de surprises encourageantes, les élèves se montrant moins frileux que les adultes vis-à-vis des changements linguistiques et moins cramponnés au statu quo du genre.

Le premier texte, de Cécile Ropiteaux, montre le cheminement collectif qui a été parcouru au sein d’un syndicat. S’il n’est pas toujours évident de passer d’une prise de conscience du sexisme aux pratiques langagières antisexistes, le contexte syndical est toutefois actuellement favorable à ces changements, et ces pratiques d’écriture non-sexistes se diffusent de plus en plus, au sein du syndicat, et espérons-le, dans les salles de classe.

Karine Dorvaux, quant à elle, noue sa réflexion féministe à sa réflexion sur le langage. Elle fait part des obstacles qu’elle a rencontrés (de l’inertie administrative à la résistance des collègues) mais aussi des stratégies concrètes qu’elle met en place, se servant tant du langage pour démonter le sexisme, que de la pratique de la flexion en genre pour mieux enseigner l’orthographe.

Enfin, Hortense Colère témoigne aussi bien des réactions des élèves que de celles de l’institution. Si les résistances sont encore nombreuses, notamment par méconnaissance des ressources linguistiques, frilosité des collègues, appréhension des réactions des parents ou encore mauvaise circulation des informations, les pratiques qu’elle met en place trouvent clairement un écho positif, aussi bien chez les élèves que lors des inspections de classe. À partir de ces pratiques, elle propose alors quelques pistes de réflexion et en appelle à créer ou à renforcer les liens des enseignant·es avec les syndicats mais aussi avec le monde de la recherche.

Pratiques enseignantes et syndicales pour des usages plus égalitaires de la langue

par Cécile Ropiteaux

La réflexion sur le langage égalitaire à la FSU

Bien avant les polémiques médiatiques de la fin de l’année 2017, ma fédération syndicale, la FSU, avait adopté lors de son congrès de 2013, à l’initiative de son secteur Femmes dont je faisais partie, un mandat d’étude sur la rédaction égalitaire des textes syndicaux, actant un « groupe de travail chargé de faire des propositions ». La réflexion était lancée, mais il fallait poursuivre le travail de conviction, favoriser la prise de conscience des enjeux liés au langage. Le contexte était, et est toujours, favorable : les organisations syndicales s’engagent de plus en plus sur les questions d’égalité professionnelle. En 2010, lors du mouvement contre la réforme des retraites, elles avaient notamment mis en évidence les conséquences particulièrement néfastes de cette réforme pour les femmes. Elles se préoccupent en outre de la place des femmes dans les structures syndicales.

Lors d’un conseil national l’année suivante, avec les membres de ce groupe de travail, nous avons fait le choix de présenter un tract de la Convergence des Services Publics au « féminin neutre » ou « féminin universel » parmi les documents distribués à l’entrée de l’instance. Ce qui donnait par exemple : « Les usagères deviennent des “clientes”, les agentes des variables d’ajustement. (…) C’est ce que nous voulons commencer le 16 mai, ensemble, citoyennes, usagères, élues, agentes, militantes. » Et le tract se terminait par un encadré : « Vous trouvez que ce texte ne s’adresse qu’à la moitié de l’humanité ? Et pourtant, il est simplement rédigé au féminin neutre ! » accompagné de la citation de Joan Scott (2002) : « Les féministes ont historiquement toujours été prises dans l’apparente contradiction d’avoir à parler en tant que femmes pour revendiquer de ne pas être traitées en tant que femmes. », ceci afin de montrer qu’on ne se situait pas dans une démarche essentialiste.

Cette année là, en 2014, nous sommes intervenues à la tribune de ce conseil national pour y présenter différents arguments. L’un d’entre eux a particulièrement fait mouche, et cela s’est vérifié par la suite lors de différents stages en régions que j’ai animés : c’est l’histoire du mot autrice, qui permet de mettre en évidence la volonté politique qui, à un moment, a voulu écarter les femmes de certaines professions, en les effaçant du dictionnaire. Nous avons convaincu le public que le mot « autrice » n’est pas un néologisme inopportun.

Dès cette époque nous proposions des pistes, des conseils pour ce qu’on avait appelé la rédaction égalitaire de textes syndicaux. Plutôt que d’énoncer des contraintes, des exigences ou des échéances, nous avons préféré inviter nos militant-es à être créatifs et créatives, notamment à utiliser des mots collectifs et/ou épicènes. Nous avons mentionné le guide de 1999 « Femme j’écris ton nom »1, qui avait mis fin à une très longue polémique sur l’accord des noms de métiers alimentée notamment par l’Académie française. Les retours suscités par la féminisation de nos textes ont montré que des craintes ont été dissipées chez certaine-es, qui ont même trouvé que ce n’était finalement « pas si lourd ».

Ce travail de conviction en interne s’est appuyé sur deux spécificités de notre organisation syndicale : d’une part la nécessité de donner une meilleure visibilité langagière aux femmes, car la fédération représente des secteurs professionnels fortement féminisés (Fonction Publique, enseignement dont Professeur-es des Écoles, Assistantes Sociales…) ; d’autre part le fait que notre syndicat de Pôle Emploi pouvait témoigner de la façon dont les agent-es étaient déjà habitué-es à voir les offres d’emploi rédigées au féminin ET au masculin pour rentrer dans le cadre de la loi en matière de non-discrimination. Réfléchir et évoluer vers des usages plus égalitaires de la langue est donc apparu comme un enjeu important non seulement pour les personnels que nous représentons, mais également pour les jeunes formés par ces personnels, notre fédération étant très présente dans les métiers de l’éducation.

La FSU et le Manifeste « Nous n’enseignerons plus que le masculin l’emporte sur le féminin »

Nous étions plusieurs militantes à faire partie des signataires du Manifeste2 initié par Éliane Viennot et rendu public en novembre 2017. Dans mon syndicat, le SNUipp-FSU (enseignement du premier degré), le soutien fut quasi immédiat ; nos trois co-secrétaires généraux ont signé personnellement la pétition de soutien, et notre porte-parole Francette Popineau s’est exprimée à plusieurs reprises dans les médias. Elle s’est ainsi retrouvée au cours d’une émission radio face à un Alain Bentolila débordant de mauvaise foi (et/ou de méconnaissance du sujet quand il a osé prétendre que le genre grammatical n’a rien à voir avec la domination masculine…). Il faut dire que Francette Popineau a un passé de militante du Planning familial, et donc qu’elle est plus que sensibilisée aux questions féministes. Selon elle, ce manifeste devait provoquer « un mouvement et a minima une réflexion sur la pertinence de cette règle avec les élèves ». Elle a expliqué dans différentes interviews que l’interrogation des élèves était déjà présente dans les classes à l’énoncé de la règle d’accord grammatical : « Les petits garçons s’enorgueillissent et les petites filles demandent pourquoi ». Selon elle, cette règle devait être mise en débat par toute la société. Elle a ainsi déclaré : « Ce sont les enseignants qui lancent l’offensive mais il va falloir que toute la société s’en empare ».

Dans la fédération, en dehors du syndicat enseignant du premier degré, ce fut moins évident de convaincre de soutenir le Manifeste. Notre démarche a soulevé beaucoup d’interrogations : les collègues craignaient le risque de mettre en échec les élèves les moins à l’aise avec la langue. Pourtant, le Café pédagogique3 avait publié de nombreux témoignages de collègues signataires expliquant leur démarche avec les élèves : il ne s’agit pas dans un premier temps d’enseigner réellement une autre règle, mais de les inviter à avoir un regard critique sur la règle actuelle, et de leur présenter d’autres façons de faire possibles, notamment les règles d’accord avec la majorité et accord de proximité. C’est la virulence des attaques de la fachosphère qui a fini par faire pencher la fédération en faveur du soutien aux signataires du Manifeste.

Outre ces réactions violentes et outrancières, si l’on creuse un peu, on s’aperçoit que les opposant-es au Manifeste sont les mêmes qui sont vent debout contre l’orthographe rectifiée, et plus généralement contre la démocratisation scolaire. Ils et elles veulent préserver le rôle du langage en tant que vecteur de reproduction des hiérarchies socio-culturelles. Mais sur ce point, l’attitude de l’institution elle-même peut interroger… Pourquoi les tolérances orthographiques (même celles de 1901 !) ne sont-elles pas bien connues des enseignant-es ? A ce propos, il est intéressant de remarquer que la règle de proximité faisait partie de ces tolérances jusqu’en 1977. Le ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer aurait donc pu proposer de l’y réintroduire en 2017 ! Mais il a préféré flatter son électorat conservateur et adopter une position autoritariste.

En réaction, notre fédération a publié un communiqué de presse intitulé « Réfléchir à une langue plus égalitaire » dont voici un extrait :

« La FSU appelle à la poursuite de la réflexion autour de l’écriture inclusive dans toutes ses dimensions. Dans le cadre de l’enseignement de la langue, elle demande l’ouverture de discussions sur la question soulevée par le manifeste “Nous n’enseignerons plus que le masculin l’emporte sur le féminin” et dénonce les attaques et les pressions que subissent les enseignant-es signataires de ce texte. (…) Un débat de société est ouvert sur cette question, il ne doit pas être clos autoritairement. (…) La FSU rappelle que de nombreuses administrations, dont le ministère de l’Éducation nationale, avaient signé la convention d’engagement du HCE4. La circulaire du Premier ministre pour bannir l’écriture inclusive entre en contradiction avec ces engagements. »

Mes pratiques de classe

J’enseigne à Dijon dans une classe de CM1. Depuis un certain nombre d’années je veille à améliorer mes pratiques pour promouvoir l’égalité des sexes (et des sexualités) à l’école, pour éduquer à la culture de l’égalité. A ce titre, les apports de la recherche en sciences de l’éducation et en sociologie des discriminations sont fondamentaux et il est nécessaire de les articuler avec la réflexion sur les pratiques pédagogiques. Le cadre syndical permet ainsi des échanges et des mutualisations entre collègues et la confrontation avec la recherche, notamment en palliant partiellement les insuffisances de l’institution en matière de formation. Dans la foulée de cette réflexion plus globale sur l’égalité, ma réflexion concernant le langage est plus récente, et je n’en suis encore qu’au début de la mise en œuvre en classe. Ma contribution dans ce domaine est donc modeste.

Concernant la « règle scélérate », celle du « masculin qui l’emporte », il s’agit pour moi surtout de sensibiliser les élèves à ce que cette règle représente, signifie, véhicule. Avec leur sens souvent aigu de l’injustice, les enfants de cet âge comprennent tout cela très bien. Une élève a même déclaré que ce devaient être des hommes qui avaient inventé cette règle. C’était sa façon de formuler ce qu’elle ressentait de la domination masculine. Après avoir pointé le problème symbolique que pose cette règle, je les informe que d’autres choix ont été possibles par le passé (avec les règles de majorité ou de proximité) et qu’un certain nombre de personnes, dont je fais partie, pensent qu’on pourrait très bien les réactiver.

La réalité de mes pratiques, qui évoluent au fur et à mesure de mes prises de conscience, passe beaucoup par le langage oral. J’essaie de dire systématiquement : toutes et tous, il ou elle, celles et ceux, chacun et chacune, quelqu’un ou quelqu’une, votre voisin ou voisine, etc.

J’utilise rarement les tirets avec les élèves ; du moins pour le moment. Je le fais volontiers, dans mes écrits aux adultes, notamment syndicaux : c’est une réflexion que je compte poursuivre. En revanche, je ne me prive pas d’utiliser les tirets pour les mots à destination des familles, que les enfants peuvent voir : pour le moment aucune remarque ne m’est revenue à ce sujet.

La féminisation m’a posé un souci — mineur — avec les proverbes, que j’utilise parfois comme exercice d’écriture. En effet, l’usage du doublon casse le rythme du proverbe, par exemple « Ne plus lire depuis longtemps, c’est comme perdre un ami important ou une amie importante ». Il faudrait inventer des proverbes épicènes !

Je finirai par quelques anecdotes sur les réactions des élèves.

Il m’arrive, à l’oral comme à l’écrit, d’avoir des « loupés » c’est-à-dire des masculins censés être neutres qui reprennent parfois le dessus quand je n’y prends pas garde… Par exemple, en Histoire, dans une évaluation sur Louis XIV, j’ai posé une question sur la révocation de l’Édit de Nantes ; alors que dans le résumé j’avais écrit « des milliers de protestants quittent le pays », deux élèves ont féminisé sur leur copie. L’un a écrit « des milliers de protestants et de protestantes ». L’autre s’est servie du « e » mis entre parenthèses, « protestant(e)s », ce que je n’utilise jamais : cela montre aussi que dans leur vie quotidienne, les élèves peuvent être confronté-es à d’autres personnes qui réfléchissent à ces sujets, et c’est une bonne chose ! Un autre jour où je parlais des « hommes » à la place des « humains », j’ai été reprise : « Maitresse, tu veux dire seulement les hommes, ou les hommes et les femmes ? »

Dernièrement, en littérature, j’ai étudié avec mes élèves le roman Verte de Marie Desplechin. Lors d’une recherche de vocabulaire sur le champ lexical de la sorcellerie, alors que nous avions déjà évoqué les sorciers et sorcières, les magiciens et magiciennes, une élève a proposé « enchanteur et enchanteresse », ce que je n’aurais jamais anticipé ! Au cours de l’étude du roman, j’avais employé indifféremment auteure ou autrice (l’usage général étant encore fluctuant), en expliquant aux élèves que ces deux mots pouvaient être employés, et que le choix pouvait être différent en fonction des régions du monde. A la fin, au moment de l’élaboration collective des traces écrites, je leur ai demandé quel mot nous choisissions collectivement : elles et ils ont répondu « autrice » avec un enthousiasme tel… que cela m’a incitée à envisager d’abandonner complètement auteure dorénavant !

Si j’ai choisi d’évoquer à la fin ces anecdotes, c’est parce qu’elles représentent pour moi une touche d’espoir, un signal fort que nous donnent les jeunes générations, une véritable promesse de changement.

Le langage, fil rouge d’une pédagogie féministe

par Karine Dorvaux

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Crédits : Karine Dorvaux

La naissance au féminisme par le langage

En 2007, je venais d’enseigner sept ans en banlieue parisienne puis en Guyane et j’arrivais en Charente et je ne me posais pas de question sur les enjeux liés à l’égalité filles-garçons.

En 2008-2009, un élève de CE1 se plaignit d’avoir à travailler sur quatre phrases avec un sujet féminin, un élève se refusa à être appelé une chochotte, c’est-à-dire « une fille », une intervenante de poésie trouva que « poétesse » était trop prétentieux et une collègue affirma qu’elle ne ferait pas appel à une maçonne...

Je commençais tout juste à formuler un questionnement avec un petit groupe de jeunes diplômées de l’EMCA5 sur le féminisme. Une émission sur l’homophobie passée sur France Culture qui présentait le dictionnaire de l’homophobie écrit sous la direction de Louis-Georges Tin m’amena justement à questionner ces mots : « homophobie », mot que j’avais encore peu utilisé en 2008, et « féminisme » — car je n’avais pas conscience à l’époque de mes propres clichés antiféministes. Questionner l’homophobie, c’était entre autres questionner les insultes au féminin pour désigner les garçons/hommes. Le féminin pour rabaisser le masculin.

Quelques lectures plus tard, je m’engageais dans une année de reprises d’études sur l’histoire des féminismes et des féministes à Angers. Mon mémoire de master 1 sur la femme politique féministe et lesbienne Françoise Gaspard m’emmena justement du côté du langage : la jeune maire s’y était intéressée tôt et avait féminisé au cours du second semestre de 1981 son nouveau titre de députée.

L’application aux pratiques de classe

Revenir dans cette classe de CP de petite école charentaise après ces études d’histoire ne pouvait se faire qu’avec la volonté de modifier ma pratique, en remettant en question l’androcentrisme des supports et la façon de parler aux enfants.

Le « bonjour à toutes et tous » (et vice versa) fut une des premières décisions — facile. Je ne pouvais plus utiliser le mot homme dans un sens générique ; je préférais être humain. Assez rapidement, mesurant l’impact du marketing genré, j’enlevais de mes supports tout binarisme rose et bleu, en fait assez peu présent dans ma classe. Le doublet fut appliqué à toute désignation de personnes (voisin, voisine ; factrice ou facteur de la classe etc. avec une vigilance accrue pour les noms de métiers). La littérature de jeunesse assez prolifique sur ces questions permit d’interroger les idées reçues et d’ouvrir le champ des possibles. J’abandonnai progressivement les mots collectifs les filles, les garçons quand j’interpelais un groupe d’élèves. Il n’y avait pas de réaction particulière des enfants, mais cela pouvait susciter des discussions. Je me souviens par exemple avoir interrogé le mot bûcheron d’un texte en demandant à ces élèves de CP si la signification de ce mot leur était connue, en faisant apparaître le féminin. Un élève réagit en me disant que les bûcheronnes n’existaient pas, que les femmes ne savaient pas couper du bois. Un autre élève demanda alors la parole pour lui répondre que ce n’était pas vrai puisque sa mère coupait le bois.

Négocier avec les collègues, adapter les supports

Travaillant avec deux autres collègues qui ne souhaitaient pas remettre en cause la méthode de lecture basée sur des contes où les personnages féminins, minoritaires, sont surtout des mères, je tentai durant ma dernière année dans cette école de forger ma propre méthode de lecture, en veillant à faire découvrir des auteures — terme que j’employais à l’époque. Je cherchais, tout en abordant pour cette classe de CP, les sons habituels, de donner plus de visibilité aux noms féminins, de faire reconnaître le mot-outil « elle » en même temps que « il ». J’avais découvert le petit livret d’aide à la féminisation Femme j’écris ton nom6 et la fréquentation des milieux syndicaux pour poursuivre ma réflexion engagée par cette année d’étude me faisait découvrir une langue plus égalitaire avec le guide rédigé par Sabine Reynosa7. Je découvris aussi un certain nombre d’études sur l’androcentrisme des manuels et livres utilisés à l’école, pour n’en citer qu’une : « Le sexisme au programme »8 ?.

En 2013, j’intégrai une école de quartier sensible de Charente sur le poste « plus de maitres que de classes » (sic). Je viens d’y faire ma sixième rentrée. Je me présentais comme désirant travailler l’égalité filles garçons et sur la lutte contre les discriminations. Mon poste, pensé en priorité pour le cycle 2, repose sur l’intervention souvent à deux dans une classe. Il nécessite de savoir s’adapter aux autres.

De la reconnaissance des discriminations aux pratiques langagières

Je rencontrai dans cette école une majorité de collègues prêtes à me suivre dans ce travail. Elles savaient pour beaucoup d’entre elles remettre en cause leur pratique, elles étaient volontaires pour travailler la question de l’égalité filles garçons, du harcèlement — une collègue avait commencé à en parler dans sa classe. Elles acceptèrent ma demande d’intégrer dans le règlement intérieur et dans le nouveau projet d’école ces questions, ainsi que le refus des discriminations — en les nommant : racisme, sexisme, homophobie et handiphobie. La circulaire de 20099 qui demande d’inscrire la lutte contre les discriminations dans le règlement intérieur était finalement appliquée en 2015 dans mon école... Il s’agit non seulement d’énoncer ce refus des discriminations mais aussi de les nommer. Il me semblait très important d’ajouter, à côté du racisme et l’handiphobie, l’homophobie et le sexisme, souvent ignorés. Nous étions dans la période post-loi du mariage pour tous et toutes et nous connaissions depuis peu à l’échelle nationale, les actions organisées (« vigi gender » et « JRE 10») contre l’éducation à l’égalité filles-garçons, s’opposant surtout au dispositif expérimenté dans dix académies, les « ABCD de l’égalité ».

Si mes collègues étaient volontaires pour travailler sur l’égalité filles-garçons, sur les discriminations, le harcèlement, la question du langage ne leur semblait pas importante.

Stratégies concrètes

Lors de mes interventions dans les classes, je veillais à faire apparaitre à l’oral ce féminin oublié : dans les salutations ou quand je demandais qui était distributeur et distributrice des feuilles à donner, par exemple.

En 2015-2016, je montais pour l’école un projet financé par Canopé et l’académie de Poitiers sur l’égalité filles-garçons (CE1-CE2) et sur le harcèlement discriminatoire (CE2-CM1-CM2). Les CE1-CE2 questionnèrent les expressions toutes faites « pour les filles et pour les garçons » lors d’un concours. L’affiche est toujours à l’école, prête à interpeler les élèves. Ces élèves réalisèrent aussi trois films d’animation qui questionnaient le genre des jeux de récréation, des vêtements et le souhait d’une jeune fille qui voulait devenir mécanicienne. Trois ans plus tard, les animatrices et animateurs de ces films sont en CM2 et présentent leurs films aux CE1. Mon poste facilite ces échanges d’une classe à une autre. Progressivement, j’ai constaté que la majorité de mes collègues de cycle 2 commençaient à faire attention aux mots utilisés sur certains supports.

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Crédits : classe de CE1-CE2 (Ecole George Sand, Angoulême, 2016).

Depuis un ou deux ans, les pratiques ont changé. Les documents donnés aux élèves font apparaitre davantage le féminin. Par exemple avec, dans une classe, le cahier de l’écrivain-e et dans une autre, le cahier de l’écrivaine pour les unes et le cahier de l’écrivain pour les autres.

Sur des tableaux de responsabilités, le doublet masculin-féminin est présent. Je connais des collègues d’autres écoles qui préfèrent utiliser le mot épicène « responsable » de distribution des feuilles etc. ou d’autres, le verbe à l’infinitif (« distribuer », « transmettre le courrier » etc.).

Pour cette nouvelle année scolaire, une collègue et moi avons refait la fiche de présentation d’un livre : « autrice » et « auteure » ont rejoint « auteur », la « maison d’édition » a remplacé l’« éditeur », et l’« illustratrice » est désormais présente à côté de l’« illustrateur ». Nous parlons aussi de « narrateur » ou « narratrice ».

Depuis au moins deux ans, je présente au tableau une écriture inclusive avec un trait d’union. Ma façon d’écrire ne rend pas envahissante la présence de ces traits d’union, appelés souvent tirets en France, alternant avec l’emploi du doublet. Depuis l’année dernière, des phrases écrites simples peuvent en comporter. Je la questionne bien sûr devant les élèves et les enfants trouvent facilement l’explication. Il n’y a pas eu de réaction de parents à ce sujet.

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Exemple d’un extrait de support de cours utilisé

L’un des autres intérêts de cette façon d’écrire, outre la visibilité égalitaire, est sa capacité à aider l’apprentissage des consonnes finales muettes à la fin de certains mots. « Grâce au féminin, nous écrivons le masculin », je répète assez souvent… Avec ces jeunes élèves (CP, CE1) qui rencontrent assez souvent des difficultés à savoir écrire correctement les mots — langue française pas toujours parlée à la maison, peu de livres à la maison —, je leur donne cette astuce qui semble les aider (« petit » car « petite », « grand » car « grande », « chat » car « chatte » etc.). La lettre sonore permet de trouver la lettre muette.

A l’oral, la réaction des enfants est simple : ils parlent comme nous parlons. Des prises de paroles spontanées montrent bien que les enfants pensent à rendre visible le féminin après un masculin prononcé seul. Utiliser aussi le féminin leur semble logique : il reflète la mixité de nos classes.

Pistes pour ne plus transmettre la règle de la honte à l’école élémentaire

par Hortense Colère

Je suis enseignante en école élémentaire dans le centre-ville de Marseille depuis une quinzaine d’années, et j’enseigne depuis six ans en classes de CP et CE1 (élèves âgés de 6 et 7 ans) en réseau d’éducation prioritaire renforcée (REP+). Je me considère comme militante féministe et je fais partie d’un réseau de pédagogie féministe qui organise chaque année depuis 2013 des rencontres non-mixtes et autogérées. S’y retrouvent des militantes féministes, professionnelles de l’éducation nationale, de l’éducation spécialisée, de l’éducation populaire, de l’animation ou de la petite enfance pour échanger autour des questions que nous rencontrons dans nos quotidiens professionnels par rapport à la pensée féministe. Nous considérons que si l’éducation est le lieu privilégié de reproduction du système de normes qui hiérarchise le masculin et le féminin, elle peut, à l’inverse, devenir l’un des principaux leviers de l’action contre la misogynie, l’homophobie et le sexisme, qui restent banalisés dans notre société ; l’éducation peut participer à la prévention des violences faites aux femmes, aux filles et aux personnes LGBT (harcèlement, violences sexuelles…)

Dans ce texte, je parlerai de ce que je souhaite partager pour éviter, voire empêcher, la transmission de la fameuse règle du masculin qui l’emporterait sur le féminin et des différentes stratégies qui sont mises en œuvre pour faire vivre à l’école un langage inclusif.

La règle de la honte

Dans ma pratique il y a encore une dizaine d’années, face à des classes de CM2, je consacrais une séance hybride au fameux « Le masculin l’emporte sur le féminin. » C’était l’occasion de partir d’une séance de grammaire pour faire une séance sur l’inégalité fille-garçon. Même s’il a pu y avoir au départ des réactions de triomphe chez certains garçons, à la fin des discussions, tout le monde tombait d’accord pour trouver que c’était vraiment une règle injuste. Sauf qu’ensuite nous enchainions sur des activités et des exercices où on l’appliquait. Après tout, il fallait se préparer pour les exigences du collège.

Aujourd’hui je ne connais aucune enseignante qui nommerait cette règle en l’état. On ne l’explicite pas, mais on essaie de la faire appliquer, ce qui donne des situations absurdes, comme ce discours rapporté par une collègue : « Tu vois, là tu as le chat et la souris sont amis, tu mets s, parce qu’il y a le chat et la souris, ils sont deux, non tu ne mets pas de e pour la souris, parce qu’il y a le chat et que le chat c’est le. Qu’est-ce que je raconte ? » .

Depuis six ans, je travaille avec des classes de CP et CE1. Les apprentissages du français de ce niveau me permettent d’éviter en toute légalité la règle scélérate, ou comme l’avaient baptisée des élèves de CM2, la règle de la honte.

A l’âge de mes élèves, 6 ou 7 ans, le concept de genre des mots est très compliqué à appréhender, en particulier chez des élèves dont le français n’est pas la langue première ou unique.

Ainsi, en début d’année, lors de l’appel de présence quotidien fait par le personnel de cantine, beaucoup de petites filles répondent « présent » au lieu de « présente ». Fréquemment aussi on peut entendre un.e élève dire « Elle est fou ! Elle est méchant. » L’inverse est beaucoup plus rare.

L’usage à l’oral de la règle de proximité se fait souvent spontanément, aussi bien chez les élèves que chez moi, mais je ne l’explicite pas. Par exemple : Les garçons et les filles qui sont prêtes

Diverses stratégies au quotidien

Dans ce contexte, je mets en place un certain nombre de stratégies langagières anti-sexistes, qu’on doit être nombreuses à élaborer chacune dans notre coin, ou à l’intérieur du réseau où nous pouvons échanger, mais aussi en dehors.

A l’oral comme à l’écrit je propose systématiquement des substantifs aussi bien féminins que masculins pour désigner des groupes mixtes, ou j’utilise un terme épicène. Je m’efforce de démasculiniser mon discours quand je m’adresse aux élèves : « On écoute celle ou celui qui parle. » ou « Est-ce que quelqu’un ou quelqu’une souhaite présenter son texte ? » Il m’arrive de me tromper et de ne pas le faire : en général, à partir de la fin du premier trimestre, cela sera relevé par un ou une élève qui me corrigera !

Au début le « quelqu’une » a déplu à des collègues qui m’ont fait remarquer que ce mot n’existait pas. Aujourd’hui, à force de persévérer, et peut-être d’argumenter, les collègues réticentes au départ ne reprennent plus mes ancien.nes élèves qui l’utilisent. Elles répondent aux élèves qui s’interrogent à ce sujet :

« Madame Colère utilise ce mot ».

J’essaie également de proposer le plus souvent possible dans les exemples et les exercices des substantifs féminins pour remplacer le masculin qui est attendu pour évoquer des activités et des métiers où les hommes sont surreprésentés, tel que « les aviatrices » par exemple. Ainsi nous partons dans l’espace avec la cosmonaute, essayons de calculer le nombre de bouteilles d’eau que doit emporter avec elle la navigatrice et rendons visite à l’exploratrice dans la forêt amazonienne. Au CP les élèves ne questionnent pas cette démarche alors qu’au CM2 je devais répondre régulièrement à des protestations de la part des garçons : ils disaient parfois qu’une joueuse de foot ou une conductrice de tram, par exemple, ça n’existe pas, ou alors ils tenaient à signaler que c’était un mauvais exemple puisqu’il n’y en a pas beaucoup.

Les affichages de ma classe qui constituent des référentiels de catégories de mots sont tous proposés au féminin et au masculin, ainsi par exemple la liste des noms de métiers, la liste des adjectifs... Ces listes comportent des substantifs comme boulanger-boulangère, où j’écris les deux mots, et des mots tels que écrivain-e qui changent par ajout d’un — e. Dans ce dernier cas j’utilise le tiret11 au lieu du point médian, celui-ci pouvant être confondu avec le point final, alors que ce tiret n’est quasiment pas utilisé au CP. La même chose est proposée sur l’affiche des adjectifs : neuf-neuve est présenté en deux mots, content-e est écrit en un mot avec le tiret.

Tous les affichages de la classe présentent les deux formes, la forme féminine n’étant pas systématiquement proposée en second comme c’est souvent proposé dans les manuels : il, elle, on. J’alterne : si au singulier il est présenté en premier, au pluriel c’est elles.

Mes affichages ont été vus par des conseillères pédagogiques et l’inspecteur de passage dans ma classe et ne m’ont pas valu de remarque. Je ne ressens donc aucune gêne de ce côté-là. Il en va de même en ce qui concerne les parents d’élèves qui viennent dans la classe lors de réunions ou d’entretiens individuels : aucune remarque ne m’a été faite. Les seules personnes m’interpelant à ce sujet ont été des collègues ou des stagiaires, qui souhaitaient en savoir davantage sur ce choix.

Les collègues

L’écriture inclusive n’existe pas dans les écoles en dehors des personnes qui font ce choix individuellement. Mais parfois une seule personne peut impulser des changements visibles. Ainsi, une directrice d’école du réseau de pédagogie féministe m’a raconté qu’elle a fait voter en conseil d’école un règlement intérieur qui était rédigé en utilisant plusieurs stratégies à la fois, écriture épicène (la direction), démasculinisation (le directeur ou la directrice), points médians et accords de proximité. Aucune réaction de rejet de la part des parents : selon l’expression qu’elle a utilisée, « c’est passé comme une lettre à la poste. »

Il y a quelques années, la directrice de mon école a rebaptisé la fameuse « salle des maitres », « la salle des maitresses », en disant : « Après tout, il n’y qu’un maitre, on va dire que c’est le nombre qui l’emporte ! » Mais il n’est pas toujours facile d’être la féministe de service…

Bon nombre d’enseignantes avec lesquelles j’ai échangé sur la règle de proximité, même des militantes féministes « affirmées » ont eu une première réaction du genre : « C’est quoi déjà, la règle de proximité ? » suivie de : « Ah oui, c’est comme au Canada ! » ou « Ah oui, j’ai signé la pétition ! »

La littérature et les supports

Par ailleurs, il parait évident que s’efforcer de mettre en place à l’oral et à l’écrit un langage inclusif n’a pas de sens si on continue à proposer de la littérature enfantine sexiste.

Les ouvrages scolaires et la littérature enfantine restent fortement marqués par les stéréotypes de genre… il est donc important de partir à la chasse des albums de jeunesse qui sont quand même de plus en plus nombreux à faire exception. Parfois il peut être long de convaincre les collègues, lors de l’achat des ouvrages pour la bibliothèque, que pour chaque album ou roman de jeunesse ayant pour personnage principal un personnage masculin, on doive acquérir un ouvrage avec un personnage principal féminin et non stéréotypé.

Les supports sur lesquels nous travaillons ne pratiquent pas le langage inclusif et véhiculent souvent des stéréotypes de genre. En cherchant, on peut néanmoins éviter le pire. En français, je travaille avec une méthode (Ribambelles12) qui s’appuie sur cinq albums de jeunesse : le premier a un personnage principal non défini. Le deuxième album a pour personnage principal une fille, le troisième un garçon, le quatrième est une réécriture du conte du loup et des 7 chevreaux et le dernier album a pour personnage principal un matou sauvé par une souris. Evidemment, aucun de ces ouvrages n’utilise un langage inclusif. On peut certes imaginer élaborer ses propres outils (textes de lecture, fiches de découverte et d’exercices pour la lecture, l’écriture, la grammaire, l’orthographe, le vocabulaire etc.) à partir d’albums choisis selon des critères féministes. Le travail à fournir est cependant énorme et le résultat forcément moins attrayant pour les élèves que les produits des maisons d’édition. Pour l’avoir pratiqué, je sais qu’avoir un manuel, un fichier d’activité est important pour les élèves, c’est un objet-repère qui est plus rassurant que de travailler exclusivement avec des fiches fabriquées par l’enseignante.

Compte tenu des réactions négatives13 qu’a suscitées un manuel d’histoire pour les classes de CE2 publié en septembre dernier chez Hatier, on est probablement encore loin d’un manuel de français qui proposerait l’écriture inclusive et des personnages non stéréotypés.

J’ai rencontré un enseignant de collège qui réécrivait les textes qu’il propose à ses élèves afin de les rendre inclusifs. Il a essuyé les feux de la critique de la part des parents et n’a pas été soutenu dans cette démarche par ses collègues et sa hiérarchie.

Les obstacles

Compte tenu de mon expérience, je peux tenter de dresser une liste des réticences que l’on peut rencontrer en discutant avec des collègues qui, sur le principe, seraient d’accord de démasculiniser et d’appliquer la règle de proximité :

  • peur de semer la pagaille dans les conceptions des élèves ;

  • peur de ne pas maitriser suffisamment pour transmettre et peur de détricoter les apprentissages achevés sans les remplacer par des connaissances suffisamment efficaces ;

  • peur d’une non-continuité de cette pratique ;

  • peur des représailles de la hiérarchie ;

  • peur de l’opprobre des collègues ;

  • peur de l’incompréhension des parents d’élèves.

D’où pourrait venir l’information qui pourrait inciter davantage de collègues à questionner le langage utilisé à l’école et tenter de changer leurs pratiques ?

Des pistes de solution ?

Compte tenu du rejet exprimé de manière très tranchante par le ministre de l’éducation nationale Blanquer lors de la parution du manuel d’histoire de CE2 qui avait osé insérer quelques titres avec des mots hybrides tel que artisan.e ou savant.e sur 150 pages, il n’est pas réaliste actuellement d’imaginer qu’un changement puisse être impulsé par en haut. Le nombre d’enseignantes et d’enseignants qui pratiquent et/ou transmettent un langage démasculinisé et inclusif est difficile à évaluer, mais il semble évident que nous ne sommes pas suffisamment nombreuses et nombreux. Peut-on espérer faire tache d’huile bientôt ?

Je pense qu’une voie possible pourrait être ouverte à travers la presse syndicale, qui touche bon nombre de collègues car elle est diffusée dans les établissements où tout le monde peut la consulter. (On ne peut pas en dire autant des informations de l’éducation nationale, qui n’arrivent plus dans les écoles en format papier et dont la diffusion incombe à la direction d’école, qui a vu ses tâches multiples s’alourdir sans cesse. Bon nombre d’enseignants et d’enseignantes ont par exemple raté la réforme de l’orthographe et la suppression des accents circonflexes sur « î » et « û », faute d’avoir été mis au courant qu’il fallait chercher l’information sur les sites institutionnels. Je fais partie de ces personnes !).

Il faut certainement aussi réfléchir à une plus grande perméabilité entre la recherche et le terrain, tenter une diffusion plus large des travaux de recherche qui portent sur les questions de genre et de langage. Un plus grand nombre de travaux doit devenir accessible aux personnels dans les établissements scolaires pour qu’ils puissent s’approprient les sujets abondamment traités par la recherche.

Dans l’idéal, on devrait arriver à faire publier des outils pédagogiques co-construits par des enseignantes du terrain et des chercheuses. En attendant, il est temps que des collaborations entre recherche et établissements scolaires se mettent en place et que les aller-retour entre les deux deviennent plus courants.

1 Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions, publié à la Documentation française : http://www.

2 « Nous n’enseignerons plus que le masculin l’emporte sur la féminin ». Tribune portant sur les règles d’accord grammatical signée par 314 membres du

3 http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2017/MasculinFeminin.aspx et aussi http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2017/11/

4 Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes

5 Ecole des Métiers du Cinéma d’Animation, à Angoulême.

6 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/994001174.pdf

7 Son décalogue pour une rédaction non sexiste n’est plus en ligne. Voici des extraits disponibles https://www.emulsion-photos.com/penser-l-%C3%

8 Brugeilles Carole, Cromer Sylvie, Panissal Nathalie, « Le sexisme au programme ? Représentations sexuées dans les lectures de référence à l'école »

9 http://www.education.gouv.fr/cid27581/mene0911464c.html

10 Journées de Retrait de l’école

11 Typographiquement parlant, il s'agit d'un trait d'union, mais à l'oral, l'usage le plus courant est de le désigner comme tiret.

12 Ribambelles, série bleue CP, Hatier.

13 Les médias ont relayé un grand nombre de réactions d’une extrême virulence liées au fait qu’un manuel avait rédigé quelques titres de chapitres

1 Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions, publié à la Documentation française : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/994001174/index.shtml

2 « Nous n’enseignerons plus que le masculin l’emporte sur la féminin ». Tribune portant sur les règles d’accord grammatical signée par 314 membres du corps professoral enseignant la langue française ; publié sur Slate le 7 novembre 2017 http://www.slate.fr/story/153492/manifeste-professeurs-professeures-enseignerons-plus-masculin-emporte-sur-le-feminin

3 http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2017/MasculinFeminin.aspx et aussi http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2017/11/07112017Article636456337493424621.aspx

4 Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes

5 Ecole des Métiers du Cinéma d’Animation, à Angoulême.

6 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/994001174.pdf

7 Son décalogue pour une rédaction non sexiste n’est plus en ligne. Voici des extraits disponibles https://www.emulsion-photos.com/penser-l-%C3%A9galit%C3%A9e/d%C3%A9calogue-pour-une-r%C3%A9daction-non-sexiste/

8 Brugeilles Carole, Cromer Sylvie, Panissal Nathalie, « Le sexisme au programme ? Représentations sexuées dans les lectures de référence à l'école », Travail, genre et sociétés, 2009/1 (Nº 21), p. 107-129. DOI : 10.3917/tgs.021.0107. URL : https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2009-1-page-107.htm

9 http://www.education.gouv.fr/cid27581/mene0911464c.html

10 Journées de Retrait de l’école

11 Typographiquement parlant, il s'agit d'un trait d'union, mais à l'oral, l'usage le plus courant est de le désigner comme tiret.

12 Ribambelles, série bleue CP, Hatier.

13 Les médias ont relayé un grand nombre de réactions d’une extrême virulence liées au fait qu’un manuel avait rédigé quelques titres de chapitres avec des formes abrégés, utilisant le point bas « les artisan.e.s, les savant.e.s »).

Crédits : Karine Dorvaux

Crédits : classe de CE1-CE2 (Ecole George Sand, Angoulême, 2016).

Julie Abbou

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Cécile Ropiteaux

Cécile Ropiteaux est professeure des écoles à Dijon, et militante syndicaliste sur les questions relatives aux droits et libertés, à la lutte contre les discriminations et à l’éducation à l’égalité.

Karine Dorvaux

Karine Dorvaux est professeure des écoles dans une zone d’éducation prioritaire en Charente, depuis une dizaine d’années, après avoir exercé en Région parisienne et en Guyane. Titulaire d’un master en histoire des féminismes, elle recherche actuellement différentes manières de construire un enseignement féministe.

Hortense Colère

Hortense Colère est professeure des écoles à Marseille depuis une quinzaine d’années et exerce actuellement en réseau d’éducation prioritaire renforcée (REP+). Elle milite par ailleurs dans un réseau autogéré de pédagogie féministe.

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