L’unité et la spécificité de la revue GLAD! tiennent à une double perspective genre/sexualités et langage, trois éléments pouvant être saisis comme objet ou comme « lunettes » épistémologiques. Plus particulièrement, ce croisement entre genre, sexualités et langage nécessite une approche critique, qui permette d’interroger chacune de ces dimensions.
Une compréhension critique du langage
Par compréhension critique du langage, nous entendons une compréhension du langage comme un matériau complexe, c’est-à-dire non-transparent, polysémique et hétérogène. Les études de genre permettent en effet de revisiter les discours, les structures linguistiques, et leurs interactions à la lumière de l’idéologie, de mettre au jour comment ces matériaux langagiers sont façonnés par les rapports de pouvoir, de domination et de subversion mais aussi comment ces mêmes matériaux agissent à leur tour sur les idéologies. De plus, les études féministes ont ouvert la voie à une réflexion sur le caractère situé de la production des discours du savoir qui permet d’une part de repenser les théories de la langue et du discours comme nécessairement ancrées dans leur contexte de production mais aussi de mettre au centre les productions marginales ou marginalisées. Cela permet d’une part réfléchir à la constitution des disciplines autour du langage avec le regard critique du féminisme pour renouveler notre outillage analytique, et d’autre part nourrir et poursuivre les approches dialogiques du langage, compris comme un espace constitutif du social.
Une compréhension critique du genre et des sexualités
Une compréhension critique du genre et des sexualités implique, quant à elle, de saisir le genre, ou plutôt les différents discours du genre et des sexualités dans leurs dimensions idéologiques. La revue adopte ainsi un positionnement résolument constructiviste dans son approche du genre et cherche à remettre en question les logiques essentialisantes à l’œuvre dans les analyses linguistiques et de genre. De plus, en saisissant tant le genre lui-même en tant que partition entre le masculin et le féminin, que les différentes idéologies du genre dans leur dimension relationnelle, il s’agit de mettre au jour les matrices discursives et linguistiques de ces différentes idéologies, et de retracer les généalogies de la bicatégorisation à la lumière des rapports de pouvoir et de résistance. À ce titre, les pratiques discursives des groupes et/ou sujets minorisés (sexuées, de genre, sexuelles) – en tant qu’elles créent des « troubles dans le genre » et reconfigurent les rapports de pouvoirs – seront tout autant au centre des intérêts de la revue que l’analyse critique des processus de domination.
Enfin, une compréhension critique du genre et des sexualités nous semble impliquer l’inséparabilité du genre avec les autres rapports sociaux, notamment de classe, de race, d’âge, de (ex)colonisation etc. et permettre d’introduire ainsi des approches devenues nécessaires pour lire le social.
Le projet de la revue est donc de créer un espace de réflexions pluri-disciplinaires qui permette d’intégrer les rapports de pouvoir dans l’analyse linguistique, la dimension agissante du langage sur les catégories de genre, et une lecture du genre non-essentialiste, qui permette une lecture de l’imbrication des différents rapports de pouvoir. Il s’agit d’explorer la manière dont le langage construit, représente, performe, déstabilise, subvertit, rend possibles ou impossibles les rapports de genre et de sexualité, tout en prenant la mesure de ce que ces analyses mettent au jour quant aux langues et aux discours.
Quatre principes éditoriaux
Quatre principes guident la politique éditoriale de GLAD ! : la pluridisciplinarité, l’ouverture à la jeune recherche, la diversité des approches théoriques et méthodologiques, et enfin une politique linguistique non-normative favorisant la circulation des idées au-delà des frontières et des langues.
1. Pluridisciplinarité et interdisciplinarité
Initiée par des linguistes, il nous a semblé important de ne pas limiter cette revue à une seule lecture disciplinaire, et c’est par l’association de linguistes, d’anthropologues, de philosophes, d’analystes du discours, de littéraires entre autres qu’il nous semble pertinent d’interroger les rapports entre langage et genre/sexualités.
Pluridisciplinarité
Au-delà de cette nécessaire interdisciplinarité, cette revue vise également à une réelle pluridisciplinarité. Considérant que les recherches sur le langage ne sont pas exclusive à la seule linguistique, la revue accueillera toute publication provenant d’approches qui intègrent des problématiques langagières, dans leurs dimensions linguistiques, historiques, morales, culturelles, politiques, sociologiques, anthropologiques, économiques, littéraires, artistiques, etc. Nous visons donc à placer les recherches en genre et langage dans le périmètre des sciences humaines et sociales, mais aussi à faire place à des approches et méthodes minoritaires ou minorisées.
Interdisciplinarité
En associant le genre, les sexualités et le langage, nous cherchons à éviter l’enfermement disciplinaire. Héritières des études de genre et du féminisme tout autant que de la linguistique ou de l’analyse de discours, les recherches linguistiques sur le genre sont par nature interdisciplinaires. Il s’agit alors de développer des approches qui questionnent les objets d’études que sont les sexes, le genre, les sexualités, les discours et les langues depuis différentes perspectives disciplinaires, simultanément. Dans ce cadre, le genre et le langage sont développés à la fois comme points de vue et comme objets pour la recherche. La revue encourage donc une interdisciplinarité qui vise à établir un échange et une circulation des concepts, des savoirs, des objets d’étude et des méthodologies entre les disciplines.
Cette question de la discipline se pose peut-être de manière accrue pour les questions de langage, du fait d’une tradition sociologique et philosophique majoritaire en études de genre. Les études de genre se sont en effet développées “à l’intérieur” de ces disciplines. Il s’agit donc de développer une double expertise sur ces questions, et non simplement d’intégrer le genre comme une variable dans le langage, ni le langage comme une simple dimension du genre. L’interdisciplinarité évoquée ici touchera tant aux sous-domaines de la linguistique qu’aux différentes disciplines des sciences humaines et sociales en ce qu’elles se préoccupent du langage et du sens. On pourra ainsi comprendre le langage dans ses dimensions discursives, textuelles, morphosyntaxique, phonétique, littéraire, pragmatique, sémiotique, etc. et le genre et les sexualités dans leurs dimensions relationnelles, identitaires, structurelles, idéologiques, matérielles, etc.
La revue encourage une écriture qui questionne le cloisonnement disciplinaire pour favoriser la circulation des savoirs et la création d’un espace ouvert au dialogue. Pour autant, la revue est attentive à éviter une interdisciplinarité « molle », qui diluerait l’exigence scientifique propre à chaque cadre disciplinaire.
Par ailleurs, en s’inscrivant dans la théorie du point de vue (standpoint theory), la revue part du principe que toute observation se réalise dans un cadre idéologique analysable (Burton, 1982 ; Mills, 1995). Il s’agit alors de travailler la possibilité d’une écriture universitaire et féministe et/ou queer en questionnant les principes de neutralité et d’objectivité qui peuvent être exigés ou revendiqués dans les écrits universitaires.
2. La jeune recherche
Si la revue n’est pas un espace réservé jeunes chercheur.es, la jeune recherche est particulièrement dynamique, avec de plus en plus de thèses consacrées à ces questions. Si la revue ne se veut pas un espace spécifique pour la jeune recherche, elle encourage activement la publication de celle-ci, avec l’objectif de diffuser les travaux les plus récents et les approches innovantes, qui proposent de nouveaux cadres, parfois de nouveaux terrains et de nouvelles intersections théoriques qu’il nous semble intéressant de mettre en lumière.
3. Une diversité d’approches théoriques et méthodologiques
La revue est ouverte à différentes approches théoriques et méthodologiques, et ne représente pas une école de pensée. Elle cherchera au contraire à valoriser la multiplicité des points de vue, et à fournir un panorama élargi des recherches existantes, à la condition d’une perspective émancipatrice, impliquant une réelle prise en compte des savoirs situés.
4. Langues et francophonie
Francophonie
La revue s’adresse à l’ensemble de la communauté francophone, de tous les continents, dans toute sa pluralité. Ainsi, des travaux francophones portant sur d’autres espaces que la France et prenant comme objet différentes langues sont les bienvenus.
Plurilinguisme
Des travaux sur le français rédigés dans d’autres langues pourront être accueillis, dans la mesure de leur possible expertise. Une publication bilingue de ces travaux pourra occasionnellement être faite. Les travaux en français portant sur toutes les langues seront accueillis.
Traduction
La revue proposera des traductions en français de textes de référence ou innovants sur les questions de genre, de sexualités et de langage, afin d’aider à la circulation des savoirs par-delà les langues.
Qualité de la langue
La revue n’attend pas nécessairement un niveau « natif », dont on ne saurait de quel espace il serait natif. Seuls les critères de compréhension et de pertinence scientifique seront pris en compte lors de la soumission des articles.
Marquage du genre
La revue laisse champ libre au marquage du genre choisi par les auteurs dans leur texte et encourage vivement les processus scripturaux exploratoires.