Baiser la littérature

Fuck Literature

RER Q - collectif d’autriX

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RER Q - collectif d’autriX, « Baiser la littérature », GLAD! [En ligne], 05 | 2018, mis en ligne le 15 décembre 2018, consulté le 31 juillet 2019. URL : https://www.revue-glad.org/1145

RER Q est un collectif d'autrices queer féministes qui écrivent l'irreprésentable, l'explicite, le tendre, le brut et l'érotique. Leurs performances croisent des corps et des voix multiples dans l'espace, faisant éclater les injonctions-limites du texte littéraire. Dans cette sélection de textes — archive d'une performance donnée au festival féministe Comme Nous Brûlons, à Paris en septembre 2018 –, de la viande flirte avec de la science-fiction, des godes et des membranes prolifèrent, des cœurs se brisent et chaque héros de fiction est une gouine.

RER Q is a collective of Paris-based queer feminist authors who write the unrepresentable, the explicit, the tender, the raw, and the erotic. In their performances, multiple bodies and voices are drawn together in space, exploding the edges of the literary text. In this selection of writing, an archive of a performance given at the feminist festival Comme Nous Brûlons, food touches science fiction, dildos and membranes proliferate, hearts break and every fictional hero is a dyke.

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Lecture au festival féministe incandescent Comme Nous Brûlons (La Station, Paris, septembre 2018) © Gaëlle Matata — jingle RER Q

© Gaëlle Matata

BBQ — Rébecca Chaillon

Je repose mon mug de latte aux champignons, je casse mon ampoule détox composée de pissenlit, de pomme, de sureau, de radis noir, et de citron dans une bouteille d’Hépar et je profite du flot pour avaler une gélule d’Harpagophyton. Trente minutes de tuto gainage avec Cindy Crawford et c’est validé je me sens saine et sereine pour un barbecue.

Je grossis à vue d’œil quand je rentre dans ce bar sombre où les corps se révoltent sur de la musique nerveuse, où les murs suintent de mots énervés pour trouver le respect et organiser les luttes. Je n’aime pas avoir ma sexualité écrite sur la gueule depuis que je suis rentrée en payant librement. Mais je ne peux pas m’empêcher de sourire à la vue de crânes rasés abstraitement, de teintures arc-en-ciel délavées, de tétons qui transperçant les marcels, de piercings frais, de genres troublés, de bières pas chères… Je m’en veux que mon instinct de chasseresse vienne ternir ma croyance en l’amour unique. Ma satiété n’a que des problèmes depuis que je me plais assez pour plaire à autrui. J’essaie d’être poly en restant polie. J’essaie d’assumer que le mot contradiction puisse être tatouable. J’essaie de me mettre en cuisson vapeur. J’essaie.

Je suis excitée rien que par l’odeur du mot.
Les chairs palpitent sous les peaux,
Je les vois s’enflammer
rougir
chauffer et sentir la braise à plein nez
Surveiller les feux naissants éteindre toute confusion.
Quand je rentre dans ce bar, j’ai l’embarras du choix entre saucisse de poulet et poitrine de porc, cuisses graisseuse, côtelettes osseuses.
je me délecte des corps, qui dansent et frottent,
Je rêve de saisir les viandes avec mes doigts,
Je rêve de les faire juter dans ma bouche,
de laisser couler le sang dans le creux de mes seins
de baver, aspirer, me lécher les doigts
de saucer
d’y retourner me faire griller, me faire retourner, me bruler
De ronger jusqu’à la moelle celle qu’on a oublié dans un coin.



distance/mordre — Camille Cornu

La sexualité génitale me donne l’impression d’être en cours de biologie au collège
Rien que l’odeur d’un yaourt à la vanille me donne envie de vomir
Et le vomi c’est ma limite
Je ne baise pas en vomissant.

J’ai dépassé le stade génital c’est pas contre ton corps
mais les possibilités sont ouvertes et dilatées.
J’ai des ongles, j’ai des dents, j’ai un couteau
J’ai envie de toi
et ta peau est beaucoup trop étanche.

La forme de ton corps ne veut rien dire pour moi
Il y a des trous partout là où j’enfonce mes ongles
On réinvente nos corps à chaque fois qu’on se touche.

Nous sommes des personnes créatives.

Il ne faut pas dire qu’on aime le sang parce que ça dégoûte les gens, mais je n’ai jamais su me taire au bon moment
Pourtant le reste du temps j’y arrive parfaitement.
Le sang dégoûte mes ami.e.s alors je leur donne des pastèques à manger et je les filme

On ne voit pas la même chose à l’écran.

Je traverse une période très fluide rouge mais ça cicatrise vite.



X: Tu ne voudrais pas faire du sexe par hasard ?
C : Peut-être mais souvent j’ai juste un peu la flemme.
X: Tu voudrais faire quoi, cuisiner ?
C : Oui mais après il faudra faire la vaisselle ?
X : Oui. Tu vois, autant faire du sexe.
C : Oui mais après il faudra laver tous les godes ?
X : Je pense que depuis le temps qu’on se connaît, c’est bizarre qu’on ne baise pas ensemble.
C : Ça arrive parfois, de ne pas faire de sexe avec les gens.
X : C’est une possibilité, il ne faut pas se priver.

X : Si on faisait du sexe, tu voudrais me faire quoi ?
C : Te mordre dans une couleur rouge.
X : Comme dans une pastèque ?
C : Meilleur qu’une pastèque.

X : Tu le fais ?
C : Oui.
X : Tu le fais ?
C : Oui.
X : Tu le fais ?
C : Oui.

X : Est-ce qu’on est en train de baiser, là ?
C : J’ai le goût de ton sang dans les mains, dans les yeux et dans le ventre.
X : On devrait se lancer.
C : Il reste encore beaucoup de possibilités.

X : Tu me mords dans une couleur rouge, tu t’avances immobile, il y a quelque chose entre nous.
C : Il y a de la distance entre nous.
X : Il y a mordre / lécher / cracher / enculer
C : Il y a se taire et ne plus y penser.
Ou ne faire que d’y penser.
X : Il y a ma main entière contre les parois de ton vagin.
C : Il y a le jour qui s’est déjà levé et on ne l’a même pas remarqué.

X : Quelque chose se passe entre nous.
C : Peut-être qu’on est juste en train de dormir et de rêver.
X : Je tiens ton corps entier dans le creux de ma main.
C : Je tiens ton corps entier dans le creux de mes deux mains.

X : Ma main entière tient dans le creux de ton corps.

C : Tu demandes : est-ce que je te fais mal ? Tu dis que je souris.
X : tu ne parles pas mais tu souris, je me dis que je peux continuer. Je te retourne, je bloque tes bras derrière ton dos.
C : J’enlève mes mains, tu les reprends. Tu les remets derrière mon dos. Tu me dis, tu ne bouges pas les bras, ok ? Tu as compris ? Tu as compris ?

X : Toi tu ne dis rien.

C : Tu demandes si j’ai compris jusqu’à ce que je dise Oui.
Je dis Oui.

X : Tu dis oui et je vois tes bras croisés derrière ton dos, ton visage écrasé sur le matelas, tes fesses en hauteur qui viennent vers moi.
C : Finalement j’enlève mes bras parce que j’ai envie de voir si tu me surveilles. Tu me les remets derrière le dos, tu les tiens d’une main et tu me baises de l’autre. Tu me dis que mon cul doit être plus haut, à la hauteur de ton visage. J’obéis. Tu m’encules en me serrant les bras.

X : J’espère que je ne te fais pas mal ? J’espère que toi ça va ? Ça va ?

C : J’ai l’impression que tu vas me casser le bras, tu peux desserrer un peu ?

X : Tu aimes juste être maintenue mais dans le confort ? C’est bon à savoir.
C : Tu me dis : regarde l’effet que tu me fais.
X : Je suis face à tes hanches énormes. C’est plus grand que tout ce qu’on peut imaginer, et pourtant je l’imagine. Regarde l’effet que tu me fais.



J’ai envie de toi quand je rêve
Généralement tu n’es pas là et parfois tu te multiplies tout autour de moi
Il y a des possibilités qui se comptent au-delà de dix doigts
Mais généralement tu n’es pas là
Tu vis loin, ça fait beaucoup de kilomètres plus le prix d’un billet d’avion
J’ai envie de toi quand tu me dis que tu ne sais pas ce que c’est qu’un poisson-clown
Tu n’as pas vu le monde de Némo
J’ai envie de toi quand même.

J’ai envie de toi
Quand je t’envoie une photo de ma pastèque, tu me dis qu’elle ressemble à un poisson
Tu vis sous l’eau
Tu vis de l’autre côté de la mer.
Tu es étanche.
Je n’imagine aucune griffure aucun trait
Je traverse une période très tranchante mais je ne sais pas faire de choix.

J’ai envie de toi quand tu me dis que toi non plus
J’ai envie de toi et je me dis que je pourrais m’adapter
J’ai envie de toi mais je me dis qu’en fait, non
J’ai envie de toi quand tu n’es pas là puisque tu n’es jamais là
J’ai envie de toi quand j’ai envie de toi
J’ai envie que tu partes et tu restes
J’ai envie que tu reviennes et tu me réponds que tu n’as jamais été là
J’ai envie de mordre la distance.



ZOO GIRLS — etaïnn zwer

dans la Fluide Mobile
les filles sont faites
et les désirs floutés

assises sur un rivage de cuir

leurs cuisses entremêlées leurs bouches érodées (seulement) par le plaisir
je pourrais reconnaître chacune à son rire,

Petite et son tatouage de géantes (qui lui masque tout le dos), La Sombra
le feu de sa présence aussi terrible qu’un tableau, Johnnie Johnnie ses mains sèches refermées sur une pierre translucide à force d’être caressée,
et Mercurio, dite vif-argent,
parce que ses yeux
parce que
parce que sa peau couturée d’anneaux
j’ai envie de la lécher comme un buvard d’acide, comme un timbre sur une lettre d’amour
c’est elle que j’ai choisie

c’est ce soir, c’est mon tour, c’est comme dans un peep show

on roule dans une Cadillac moite
derrière vient une longue trainée de filles perchées sur des vélos cloutés et des skates rose fuchsia
des putes des astrologues des chattes des tatouées des monstrueuses
leurs couteaux rangés gentiment contre leurs sexes chauds
parade au langage inversé
c’est beau et j’ai envie de me jeter dans la nasse, qu’elle me dévore, redevenir minuscule et parcourir chaque cellule sur de lentes pulsations
voilà les Zoo Girls
on traverse la ville dans la nuit qui somnole d’herbes gouines et d’ennui
tout est irradié

c’est ce soir
au club j’avais donné le mot de passe en chuchotant
« de quel investissement libidinal suis-je le nom? »
la créature en tuxedo or avait ouvert
et j’avais attendu, saisie, au milieu de corps ambigus et de visages ultra baisables
proie volontaire reflétée à l’infini dans les miroirs salaces
(et) Mercurio m’avait choisie

c’est ce soir
je me suis préparée, ardemment préparée, ardemment/avidement
je me suis branlée (beaucoup), j’ai lu
je me suis branlée en lisant
des poèmes où il était question : de petites filles (excitées) de fleurs indéchiffrables de vulves (se mêlant dans l’espace) et d’utopies

c’est ce soir
je suis prête j’attends, leurs gestes en découpe sur ma peau
Mercurio termine son histoire, un conte mythologique bizarre, bizarrement hypnotique

she spits and travels through the hoops of my veins
her fist rearranges my shape
my self
my will
will I pass the night
the melting the sweet the bloody
night
her story keeps me awake
her tongue keeps me awake
her dreams, they’re salty
how deep is the sea, she asks
and that’s how I knew

ses mots emplissent l’air de liquides vivaces
dans l’alcôve techno je m’ouvre comme la mer
c’est de la piraterie
il y a un tout petit écart entre ses dents et j’ai envie de glisser ma langue dedans
de m’y nicher toute entière

le silence retombe et il est chargé d’images s’enroulant au ralenti
une pissotière des mirages dans des jockstraps une chambre d’hôtel, des insomnies jaunes comme l’oeil des chats
du velours accidenté
des rêves qui ont l’odeur d’un film passé sous une flamme

alors elle se penche touche ma nuque et je sais :
« couchée »

c’est ce soir, j’obéis,
maintenant

à genoux, bouche ouverte,
j’entre dans un récit qui n’a pas encore de nom



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« Pastèque sentimentale », un film RER Q (avec du stupre et du slurp dedans)

© Camille Cornu



STERNUM — Wendy Delorme

Il y a cet endroit au centre de mon corps, au centre du triangle inversé qui va du bas des côtes jusqu’au nombril. Tu y as plongé tes mains.

Les squelettes n’ont rien à cet endroit-là. Que du vide.

Cela faisait des mois que ce triangle creux était en fusion. Du plomb chaud et liquide.

Tes doigts ont palpé l’arête de mes côtes, ont effleuré la peau, il y avait du tissu car j’étais habillée. Je ne savais pas si tes mains étaient chaudes ou pas. J’avais senti la veille la pulpe de tes doigts, fraîche et précise, sur mon épine dorsale.

J’essaie de mettre en mots ce qui fut du silence et le mouvement des corps.

Une musique jouait, que tu avais choisie, emplissant tout le dôme de tentures que la brise agitait. Par l’ouverture centrale au-dessus de ma tête je regardais le ciel, les branches, une feuille virevoltant, le passage d’un oiseau. Je les chargeais de signes.

J’essaie d’imaginer la suite de cette danse. Le temps était compté, il me fallait partir. J’essaie d’imaginer et ce qui vient à moi ce sont Les Guérillères et c’est Le Corps Lesbien. Dans les pages de Wittig les amantes font des choses qu’on n’imagine pas. Tu pourrais par exemple déshabiller mon corps en enlevant sa peau, comme un simple vêtement. Je n’en souffrirais pas, et tu aurais alors la chair nue et les veines, les tendons, les artères, les organes vivants à portée de ta main. Tu les verrais pulser. Rentrer à l’intérieur n’aurait plus le même sens.

A quoi ressemblerait l’acte de glisser une main dans mon vagin et une langue sur ma vulve, si le derme des muqueuses ne les recouvre plus? Il faudrait que ta peau glisse aussi de ton corps comme un habit serré. On aurait toutes les deux la même consistance, la texture de nos bouches serait pulpe, quartiers de mandarines sorties de leur membrane. Et la lymphe qui suinte de la chair mise à vif ferait glisser nos membres mieux que du lubrifiant. J’imagine l’intense vulnérabilité, l’intensité extrême que prendrait le toucher.

Mais cela est possible avec nos épidermes. Tu sais que si tu frottes ta peau à la mienne - j’aurais aimé d’ailleurs sentir sur ma peau nue le contact de la tienne plutôt que du tissu -, il se créera une chose tout à la fois unique et propre à chaque rencontre: l’alchimie de l’odeur de deux peaux qui se chauffent.

Comme tu as su plonger tes mains au centre de mon corps sans entamer la peau, sans entailler les chairs, il me semble possible qu’on puisse se sentir comme des écorchées vives, volontaires et sereines, dépouillées de leur peau et de tous leurs atours - cheveux, poils, rouge à lèvres, cils, gemme portée au cou, boucle d’oreille en plumes - sans n’effectuer aucune entaille ni aucune incision.

Je ne sais pas encore à quoi ressemblerait mon être sans artifices mais je sais qu’on voit bien l’armature du visage sous ta peau sans défaut, et on n’aurait alors pas de genre, plus de nom, on n’aurait rien sur quoi accrocher un fantasme, pas de scénario, nul script déjà connu,

juste les sensations.



Je veux sucer ta bite — Claire Finch (traduction : Camille Cornu)

I hear that most foods were made by accident, repeated mistakes of agitation. The fantasy I have the most frequently now is of licking the base of the double cock, pushing it inside of you. I run my tongue around the opening of your cunt, the thick part of the double cock that’s in you, I want to suck your dick.

Voilà Claire. Je vais essayer de traduire ce qu’elle dit avec toute la connaissance que j’ai d’elle-même, parce que l’anglais n’est pas ma spécialité. Elle dit qu’elle veut lécher la base d’une double-bite qui serait enfoncée dans un vagin, et ça lui permet de parcourir toute l’ouverture d’une chatte avec sa langue.

I want to swim underwater. I want to suck somebody’s dick underwater wrote David Wojnarowicz. When I translated this, I wrote, Je veux nager sous l’eau; sous l’eau je veux sucer la bite de quelqu’un, because French grammar is resistant to repetition, the objects fall out of line when you preserve the original semantic order and besides, my friends tell me that the first thing you learn in any composition class it to replace repeated words with synonyms. Subtlety is not at issue but an attestation of ownership of having more words – the poverty of a repeated noun or adjective is embarrassing. Replace all words by their synonyms as the heterogeneous text is the good one. All of which means that repetition in French can make you feel a serious rhythmic shock and this shock is increased the closer the repeated words are to one another. I want to swim underwater underwater I want to suck someone’s dick.

Elle a essayé de traduire cette phrase en français mais ça l’embêtait parce qu’elle pense que la grammaire française refuse les répétitions, il faut prouver qu’on a beaucoup de vocabulaire en utilisant plein de synonymes, pour elle ce refus des répétitions en français est une façon de prouver qu’on possède de l’hétérogénéité.

I start to fuck you. I’m holding your cock and you’re on your back and I’m pulling your cock towards me, I’m pulling up on my hand there the other end of the cock is inside of you and it doesn’t make any sound not like that slapping sound you get when you start to fuck someone really hard and your hand or your wrist or your fist around the cock hits skin and slaps. It’s deep and it doesn’t make any sound until your pussy starts to open up around it, it slips a little, sucking sound of cock moving fast in wet pussy. But what I really want is to suck your dick. I crawl on the floor push your body push my hands on your stomach to hold you down, immediately try to take the whole cock into my mouth. It’s not wet enough so I lick around it. This time I move my lips down it, feel the tip of your cock at the back of my throat and gag, I want you to fuck my throat. I have too much control here I need you to do it for me I need you to push my hands off of you, roll over stand over me where I am on the floor my head against some furniture, my legs are on the floor but my throat is coming and it’s searching for your cock, you crouch over me. Underwater I think I would miss what gravity is doing here. I can’t breathe.

Elle commence à baiser son ami, il a la moitié d’un gode dans la chatte et elle a l’autre moitié dans la main, elle le baise comme ça, ça ne fait même pas de bruit, aucun bruit mouillé, et elle a surtout envie de sucer cette bite. Elle essaie de la prendre en entier dans sa bouche et comme ce n’est pas assez mouillé, elle lèche tout autour, elle se l’enfonce dans la bouche jusqu’à la sentir au fond de sa gorge, ça lui donne un haut le cœur, mais elle veut vraiment qu’il lui baise la gorge, elle voudrait moins contrôler la situation, elle se met par terre pendant qu’il reste sur le lit, elle tend sa gorge vers le haut et il s’accroupit au-dessus d’elle. A ce moment-là, elle se dit que si iels étaient sous l’eau, la gravité lui manquerait.

I’m holding your thighs just under your ass, pulling your cock closer. With one hand I push on the part of the cock that’s coming out of your cunt, I hold it in you, I’m holding you as you’re fucking my mouth, underwater we would miss how gravity makes us feel, like, I think we would miss the smell of lube from earlier mixed with silicone and spit. We’re sitting in beach chairs next to an inflatable pool and a performer who does this thing with sounds is wearing earplugs because she’s sensitive to noise.

Elle lui tient les cuisses pour s’enfoncer la bite plus profondément et elle ne peut plus respirer, mais elle prend quand même la peine de bien maintenir la bite au fond de la chatte de son ami pour qu’il continue à lui baiser la bouche, et elle pense encore à la gravité qui lui manquerait si elle était sous l’eau, et l’odeur du lubrifiant mélangé à la salive et à la bave lui manquerait aussi.

The earplugs are the cheap orange kind you get on airplanes or in bathrooms at clubs so she can’t hear anything, she leans in close like she’s going to whisper something then she shouts directly in my ear. “My work isn’t political,” she says, “My artistic commitment is so much bigger than politics, like it’s outside of politics. Because I’m a professional artist no one knows I’m a lesbian. I don’t want my work to be reduced to a stigma, I’ve seen how that goes.” Of course stigma is real and especially in France anyone over the age of 40 will tell you that the best professional decision you can make is to stay closeted but, I want to ask her, can transcendence overcome the limits of our particularity, or is every aesthetic decision inflected by experience? EVERYTHING IS FEMINISM AND EVERYTHING IS SEX.

Maintenant elle discute au bord d’une piscine gonflable. Quelqu’un lui a dit que sortir du placard n’était pas le comportement le plus professionnel à adopter quand on travaille dans l’art contemporain, mais elle se demande si on peut vraiment mettre de côté nos particularités, ou si chaque décision esthétique ne serait pas conditionnée par l’expérience ? Le féminisme est partout, et le sexe est partout.



STUPRE : Arthur Rimbaud la gouine — Élodie Petit

je m’appelle arthur rimbaud et je suis gouine
une vraie gouine qui aime l’autre trempée aux bouts de mes doigts serrés ma peaux qui colle aux leurs
ma chatte qui suffoque leurs cuisses

j’aime garder ma veste quand je baise
j’aime quand ça répond direct en face de moi

j’imagine serrer ta nuque très fort pendant que tu me suces
ma veste toujours sur mes épaules
mon poing à l’entrée de ton cul
tu t’ouvres trempée et impuissante
tu ris
arthur rimbaud




je ne suis pas alcoolique
j’ai peur de la mort

le sexe à la vie m’attache
c’est une histoire de fluide

je ne veux pas de chamane à dix mille balles
je ne veux pas léguer mon existence au travail salarial

je crois en la séduction permanente
à comment tu t’habilles pour que je te déshabille

j’espère qu’il fera chaud et que ton cul sera salé
que chacune se mettra à niquer puissamment et fort

arthur rimbaud




mon avenir proche est une rentrée sombre
entourée de personnes intellectuelles, faussement bourgeoises ou faussement pauvres
on performe la précarité́ et l’intelligence artificielle

tout sera critiqué et réduit à néant
le langage épuisé́ et ma chatte dans ton nez
il ne restera plus rien

alors

je mets mes bas
mes bas sont mis
le nylon de mes bas dans le ciel étoilé
sur ton sexe écrasé le goudron mouillé

arthur rimbaud

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arthur rimbaud la gouine

Dessin tiré de l’édition Arthur Rimbaud la gouine © Élodie Petit

Rébecca Chaillon est autrice, performeuse, metteuse en scène et comédienne. Artiste associée depuis 2006 à la compagnie Dans le ventre dont elle signe les mises en scène, elle est encouragée par sa rencontre en 2012 avec Rodrigo Garcia. Après un premier solo-performance très remarqué (L’Estomac dans la peau, 2014), elle travaille actuellement sur deux textes : Monstres d’amour (Je vais te donner une bonne raison de crier), qu’elle interprète avec la performeuse Elisa Monteil, et Où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute, pièce pour onze performeuses, célébrant les 100 ans du football féminin.
dansleventre.com/wordpress/

Camille Cornu navigue entre divagations poétiques, ancrages narratifs et performances, dans des textes hantés par les cœurs brisés, les désirs minoritaires et les corps stigmatisés. Elle/il fuit les étiquettes, brûle les dénominations et oscille entre ambiance lyrico-pop, colère mélancolique et impudeurs énervées. Ses poèmes et nouvelles sont parus chez Remue.net, Terrain Vague, e-fractions éditions. Son dernier roman, Habiletés Sociales, est publié par Flammarion.
www.youtube.com/watch?v=-XTJhmSMijE

Auteur-e-artiste, etaïnn zwer poursuit une pratique discrète, obsédée par le pouvoir de métamorphose-s du poème, la figure du voyou-voyeur, les images nocturnes, les lignes d’architecture les fleurs les corps et les désirs ambigus. sorte d’investigation utopique déguisée en art, où les œuvres ont statut de rébus ou de synopsis – récits mantras, lectures performées, installations feutrées, rituels d’attention et d’échange. pour faire advenir des mondes enfin décolonisés [Transpalette, galerie Éric Mouchet, Villa Belleville, Rinse, Terrain Vague, Jungle Juice...]
www.etainnzwer.com

Wendy Delorme est romancière, auteure de Quatrième Génération (Grasset, 2007), Insurrections ! en territoire sexuel, La Mère, la sainte et la putain (Au Diable Vauvert, 2009 et 2012), et Le Corps est une chimère (Au Diable Vauvert, 2018). Ses textes parlent des potentialités politiques des corps et des sexualités, d’amour et de filiation. Elle prépare actuellement la mise en scène d’un monologue dansé (Les Autres) et co-organise des soirées pluridisciplinaires de lectures et performances.
audiable.com/authors/wendy-delorme/

Claire Finch est auteur-e de protocoles gouines et de pornographie expérimentale, matière qu’elle travaille via des performances et des lectures (Extra ! festival des littératures hors du livre au Centre Pompidou, La Colonie, la Galerie des Étables à Bordeaux), ou des ateliers d’écriture (espace Khiasma, La Gaîté Lyrique, Le Syndicat Potentiel à Strasbourg). Elle est actuellement doctorant-e en Études de genre à Paris 8.
http://www.clairefinch.com

Élodie Petit lit l’avenir dans les magazines pornos et les chats de compétition. Elle élabore des utopies sexuelles radicales, où le règne animal est une zone d’expérience possible. Dans ses divagations anarchistes, les humain.e.s jouiraient enfin de leur capacité à produire une énergie sexuelle gratuite, perpétuelle. Elle est la fondatrice des éditions douteuses.
http://www.elodiepetit.fr

Lecture au festival féministe incandescent Comme Nous Brûlons (La Station, Paris, septembre 2018) © Gaëlle Matata — jingle RER Q

© Gaëlle Matata

« Pastèque sentimentale », un film RER Q (avec du stupre et du slurp dedans)

© Camille Cornu



arthur rimbaud la gouine

Dessin tiré de l’édition Arthur Rimbaud la gouine © Élodie Petit

RER Q - collectif d’autriX

RER Q est un réseau d’autrix alliées autour de textes manifestes queer / crus / cul,
RER Q écrit lit performe ce qui n’est que trop rarement visible,
RER Q explose le genre triste et la syntaxe molle, la police des corps identifiés identifiables et la littérature officielle,
RER Q serpente – station Fulguropoing, arrêt Plug Me Tender – entre les mots d’individues qui racontent leurs perturbations non linéaires dans le genre et la sexualité,
RER Q est substance désir chattes suspectes flemme tantrique trous béantes nuques moites expérimentations sales paysages gouines images clandestines tunnels d’amour fantasmes profonds comme des arbres,
RER Q est le voyage néon sans fard sans fin vers ta sexe ta corps ta bouche d’infinie,
RER Q est sauvage et multiple et te fait jouir par toutes les interstices.
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